« La politique familiale est notre première préoccupation » : allocution de la Présidente de l’Unaf lors de la rencontre des présidents des Udaf et Uraf et des directeurs des Udaf
Le samedi 23 novembre 2024, l'Unaf a réuni, à Paris, les présidents des Udaf et Uraf et les directeurs des Udaf pour leur journée nationale. Retrouvez en ligne, les extraits de l'allocution de la Présidente de l'Unaf relatifs à la politique familiale, prononcée en présence de Jean-Benoît Dujol, représentant l'Etat.
Extraits de l’intervention de Marie-Andrée BLANC
Présidente de l’Unaf
Journée des présidents – directeurs
Samedi 23 novembre 2024 à PARIS
Monsieur le directeur général, cher Jean-Benoît,
Mesdames et messieurs les présidents et directeurs,
Mes chers amis,
C’est un plaisir de vous retrouver pour aborder les dossiers de cette fin d’année et ceux de 2025 qui sera marquée – entre autres – par la célébration des 80 ans de notre institution.
Je salue la présence du Directeur Général de la Cohésion sociale, qui représente les services de l’Etat.
Merci pour votre venue qui témoigne de la densité de nos liens, tant au niveau national que dans les territoires. Notre convention pluriannuelle d’objectifs en est une illustration forte, mais ce n’est pas la seule.
(…)
Nous collaborons étroitement aux missions de service public placées sous votre responsabilité. Je pense notamment : à la Protection Juridique des Majeurs, activité massive des Udaf, à la petite enfance, à la protection de l’enfance, à la parentalité, aux dispositifs d’habitat partagé, au conseil budgétaire, à l’aide aux aidants.
(…)
La politique familiale est notre première préoccupation.
La situation politique de notre pays est inédite avec l’absence de majorité parlementaire et un gouvernement fragilisé. Pour un acteur comme l’Unaf, c’est un défi car la politique familiale a besoin de continuité dans le temps, de confiance, et d’un véritable pilotage politique. Or, depuis 2 ans, pour le seul portefeuille de la famille, pas moins de 4 ministres se sont succédé…
Nous avons rencontré déjà 3 fois notre nouvelle ministre Agnès CANAYER. Avant-hier, elle était sur notre stand au salon des maires où nous lui avons présenté l’offre de service du réseau sur l’aide à la parentalité. Parenthèse : vous avez tout intérêt à travailler en partenariat avec les communes et les intercommunalités sur ce sujet.
Dans quelques jours, nous serons reçus par le nouveau ministre des Solidarités, Paul CHRISTOPHE.
Le lien avec les parlementaires est essentiel. Aussi, mesdames et messieurs les présidents et directeurs, je vous invite à les rencontrer, à relayer nos plaidoyers et nos communiqués de presse. N’oubliez pas vos sénateurs qui jouent aujourd’hui un rôle plus important.
Vous êtes amenés à porter la voix des familles dans différents lieux. C’est une grande responsabilité, tant vis-à-vis des familles que vous représentez, qu’à l’égard des organisations où vous siégez.
Avec les restrictions budgétaires liées au déficit aggravé des comptes publics, il nous faut être d’autant plus convaincants. Convaincants pour faire avancer nos propositions, mais aussi pour éviter que les familles ne subissent des augmentations de coûts et des réductions de prestations.
L’INSEE a publié la semaine dernière un bilan démographique complet de l’année 2023 qui reconnait – enfin ! – très clairement une baisse inédite de la fécondité et des naissances depuis une dizaine d’années.
Face à cette situation, le Service Public de la Petite Enfance (le SPPE) constitue une réponse – certes partielle – mais importante.
Ses défis sont nombreux. J’en citerai 4 :
1°) La rénovation du congé parental
L’amélioration des conditions d’indemnisation du congé parental, portée depuis de nombreuses années par l’Unaf est attendue par les jeunes parents. Une première étape était prévue pour le PLFSS 2025 : une concertation avait été lancée qui avait associé l’Unaf et les partenaires sociaux. Tout a été stoppé par la dissolution et rien n’est aujourd’hui prévu au budget. Nous continuerons à nous battre sur ce projet.
2°) Les restes à charge supportés par les parents
Face à la situation des finances publiques et à la pression des opérateurs, les pouvoirs publics ne cessent d’augmenter l’effort financier des parents. C’est une très mauvaise idée. Le durcissement chaque année du barème de tarifications en crèches et le décrochage des prestations de compensation comme le CMG, accroissent considérablement les coûts pour les parents.
Notre enquête menée auprès des jeunes parents montre l’ampleur du problème. Mais leur parole n’est pas assez entendue face aux décisions prises à leurs dépens :
• Déplafonnement des participations familiales par la Cnaf,
• Amendement sénatorial qui déplafonne le coût pour les parents dans les micro-crèches PAJE,
• Réforme du complément mode de garde qui va faire au minimum 43% de parents perdants.
Ces mesures sont négatives pour les familles mais aussi inefficaces sur le plan budgétaire. Nous l’avons démontré.
3°) Les dérives du modèle lucratif et les risques pour la qualité d’accueil
Nous alertons depuis des années sur la réalité vécue par les familles depuis au moins 10 ans : une offre d’accueil qui plafonne, des coûts croissants, une qualité d’accueil non garantie et des financements publics mal employés.
A la suite des rapports accablants des corps d’inspection et d’ouvrages fortement médiatisés, la ministre a annoncé une réflexion sur le financement des modes d’accueil. Nous y participerons.
Face au manque d’attractivité des métiers et pour porter des exigences de qualité pour les familles, nous sommes associés au comité de filière des métiers de la petite enfance, pour trouver des solutions.
4°) La mise en œuvre du SPPE dans les territoires
Les communes et les intercommunalités ont désormais la mission d’autorité organisatrice. A ce titre, elles analysent les besoins d’accueil, informent les familles, planifient le développement des modes d’accueil et la promotion de la qualité.
Doté de moyens financiers conséquents dans la COG Etat-Cnaf, ce service doit maintenant décoller, face à l’ampleur des besoins.
Vous pouvez être des promoteurs de sa mise en œuvre, grâce à votre présence dans les Comités départementaux de services aux familles, mais aussi dans les CA des CAF, et au sein des CCAS où siègent les représentants familiaux.
Dans le champ de la parentalité :
Nous demandons la relance d’une véritable stratégie de soutien à la parentalité.
Alors qu’une proposition de loi revient sur la responsabilité des parents de mineurs délinquants, cette politique de prévention est d’autant plus indispensable. Notre réseau est massivement engagé dans ces actions comme le prévoit notre convention d’objectifs passée avec l’Etat. Des moyens ont aussi été dégagés dans la COG Etat – Cnaf.
Nous avons rencontré Pierre STECKER responsable de ce sujet à la DGCS, pour lui faire part de nos propositions pour plus de cohérence et de visibilité des actions.
Avec leurs associations, les Udaf ont un rôle majeur à jouer. Les schémas et les comités des Services aux familles sont trop souvent phagocytés par les questions d’accueil du jeune enfant, aux dépens du soutien à la parentalité.
Notre dernière enquête annuelle de l’Observatoire des familles qui porte sur la parentalité, doit servir de levier pour interpeller et animer ces comités. Vous recevrez très prochainement les résultats de cette enquête pour vos départements et vos régions. Elle apporte des éléments sur les difficultés principales des parents et leurs attentes en termes d’accompagnement. Vous devez vous en saisir autant pour questionner que pour contribuer aux réponses à apporter.
Notre baromètre confirme que la gestion des écrans demeure la première difficulté éducative évoquée par les parents.
Le déploiement de ressources et d’actions de soutien pour qu’ils reprennent confiance dans l’accompagnement numérique de leurs enfants est plus que jamais nécessaire.
L’Unaf a été choisie par l’État pour piloter le Label “P@rents, Parlons Numérique” en lien avec la CNAF, afin de renforcer la cohérence et la visibilité des actions locales de soutien à la parentalité numérique. Le dispositif poursuit lentement son déploiement. Par ailleurs, nous sommes en phase d’évaluation de l’expérimentation de co-portage du label dans 5 CAF et 5 Udaf.
Pour plus de lisibilité, ce label doit devenir « la » référence en matière d’actions de parentalité numérique. Pour cela, nous avons besoin d’un soutien total de votre ministère, M. le directeur général, pour assurer la cohérence avec d’autres dispositifs. Ce label doit être inscrit comme l’un des volets du dispositif « parents, parlons ».
Le succès dépend aussi de l’implication de la Cnaf et des Caf.
Le label a été cité dans le rapport : “Enfants et écrans : à la recherche du temps perdu”, remis au président de la République fin avril. Il trace des perspectives d’actions que nous partageons. Nous espérons qu’il ne rejoindra pas les armoires des archives.
Il rappelle que les parents ne sont pas les seuls leviers à mobiliser pour lutter contre les dérives liées aux usages des écrans. Les pouvoirs publics doivent s’engager dans une régulation plus stricte du secteur numérique.
La protection des mineurs en ligne reste encore une promesse non tenue. L’absence d’avancée pendant de long mois en matière de lutte contre l’accès des mineurs aux sites pornographiques est une parfaite illustration de l’inertie en matière de régulation. Malgré nos actions avec d’autres acteurs de la société civile, cet accès est toujours aussi peu contraint, même si nous obtenons progressivement quelques avancées.
Ainsi, en octobre dernier, la cour d’Appel de Paris a enfin contraint les fournisseurs d’accès à Internet à prendre sous 15 jours les mesures permettant de bloquer l’accès aux sites pornographiques établis hors Union européenne. Suite à cette décision, l’accès à 4 sites est bloqué depuis le week-end dernier et le sera tant que ces sites n’auront pas mis en place un système d’authentification d’âge.
Cette petite victoire va, nous l’espérons, en appeler d’autres. Car cette décision ne concerne pas, pour l’instant, les sites installés dans l’UE qui sont protégés par la directive E-Commerce.
Nous appelons les différents ministères concernés à porter le sujet de la protection de l’enfance au même niveau que les autres enjeux du secteur, afin que les lignes bougent résolument.
J’en viens aux questions de perte d’autonomie et de vieillissement.
Notre réseau est engagé de longue date dans l’amélioration des droits des aidants, et il développe de nombreux services pour répondre à leurs besoins.
Les Udaf sont le premier réseau d’information et de soutien aux tuteurs familiaux : ils sont très souvent des aidants.
D’autres actions sont menées en direction des aidants. A travers notre convention d’objectifs, notre réseau est engagé dans l’animation de plateformes d’accompagnement et de répit, dans les groupes de paroles, les permanences téléphoniques, ou les actions de répit.
Dans le cadre de notre partenariat passé avec la CNSA et la CNAF, l’Unaf et 31 Udaf ont développé un dispositif original, la médiation aidants-aidés, qui s’appuie sur les compétences des médiateurs familiaux de notre réseau.
Notre réseau construit une offre en complémentarité avec d’autres acteurs sur les territoires tout en apportant une expertise spécifique sur la protection juridique, ou la médiation familiale par exemple.
Nous souhaitons que la Stratégie « Agir pour les aidants » 2023- 2027 soit porteuse d’avancées concrètes pour les aidants : de nouveaux droits, dont notamment une amélioration et un allongement des indemnisations dont ils bénéficient. Mais surtout un vrai repérage et un accompagnement via une offre de services et notamment de répit, plus lisible, mieux coordonnée, plus simple et accessible.
Cela doit être l’objectif du service public départemental de l’autonomie, désormais acté dans la loi.
L’Unaf a été auditionnée sur ce futur service public et elle a relayé de nombreuses interrogations sur ce projet. Nous rencontrerons prochainement le nouveau directeur de la CNSA afin de faire le point.
Les Udaf et leurs services, doivent être bien identifiés dans cette démarche.
La protection juridique des majeurs s’inscrit pleinement dans l’offre de services face à la perte d’autonomie. Mais elle souffre – entre autres – d’un manque de régulation, en particulier entre les différents modes d’exercice.
Seuls les services associatifs sont soumis aux obligations des services sociaux et médico-sociaux (notamment l’évaluation et la démarche d’amélioration continue de la qualité). Seuls ces services ont une capacité limitée dans leur autorisation qui est renouvelée tous les 15 ans. Les autres modes d’exercice sont autorisés sans limitation de durée, sans limitation du nombre de mesures exercées.
Des travaux doivent être menés par la DGCS pour soumettre l’ensemble des trois types de professionnels à des conditions d’exercice communes.
C’est urgent compte tenu de l’ampleur que le mode d’exercice libéral prend, avec des créations de postes de mandataires individuels par les DDETS dans les territoires, qui déstabilisent les services. En effet, la plupart des mandataires individuels agréés sont des salariés des services.
Le public accompagné par les Udaf est bien souvent confronté à des problématiques de pauvreté : logement, précarité énergétique, parentalité, garde d’enfants, et accès aux droits. Ces sujets ont toute leur place au sein du Pacte des solidarités qui est la nouvelle déclinaison des stratégies publiques de lutte contre la pauvreté.
Plusieurs Udaf et Uraf ont pu financer des actions grâce à ce Pacte via des crédits des DDETS, des CAF, des départements, et des services de l’Etat en Région.
Cette politique est développée sous la conduite des commissaires régionaux de lutte contre la pauvreté. Notre échelon régional, les Uraf, ont donc un rôle essentiel à jouer comme interlocutrices, en coordonnant la stratégie des Udaf de leur territoire pour développer des services dans ce domaine et pour postuler à des financements. Y aller chacun de son côté n’aurait aucun sens. C’est en Uraf que les Udaf doivent se positionner.
Et il faut faire vite car le pacte actuel se termine en 2027.
Les Udaf sont en première ligne face aux ruptures de droits subies par les publics accompagnés.
Ce sera un des axes forts de notre partenariat conclu avec la Cnaf, en lien avec le chantier de la solidarité à la source qui sera déployé en 2025 au sein de la branche Famille.
Le ministre des Solidarités est aussi chargé du projet d’allocation sociale unique qui fusionnerait plusieurs prestations et minima sociaux. L’Unaf avait déjà participé aux travaux de 2018/2019 sur le revenu universel d’activité. Autour de ce nouveau projet, nous aurons pour objectif que les enfants soient pris en considération et que l’individualisation des droits, souvent promue dans le débat public, ne se retourne pas contre les bénéficiaires.
J’évoquais à l’instant notre partenariat avec la Cnaf et les CAF.
Nous vous en avions parlé lors des journées Présidents-Directeurs du mois de mars. La Directrice générale déléguée de la Cnaf, Gaëlle Choquer Marchand, avait indiqué leurs attentes vis-à-vis de notre réseau. Réciproquement, à l’aide d’une enquête flash, nous avons identifié vos attentes vis-à-vis de la branche Famille. C’est en nous appuyant sur ces éléments que vous avons rédigé un projet de convention nationale, transmis avant l’été à la Cnaf.
Après plusieurs phases d’échanges, le DG de la Cnaf vient de nous donner son accord pour signer cette convention avec l’Unaf. C’est une bonne nouvelle !
Nos 2 réseaux partagent en effet deux enjeux :
• celui de proposer aux familles une offre de service sur l’ensemble du territoire.
• et celui de favoriser l’accès aux droits des familles.
Ces 2 axes principaux feront l’objet de la convention type que nous vous adresserons, pour que vous puissiez la décliner dans vos territoires avec les CAF. C’est un grand pas de nature à faciliter le travail de vos équipes, tout en favorisant le développement des services auprès des familles.
Je voudrais terminer sur la protection de l’enfance
D’abord un point d’actualité sur l’Administration ad hoc mineur.
Cette mission souffre d’un manque structurel de financement. À la suite de plusieurs alertes formulées par des Udaf, nous avons produit un plaidoyer, que nous avons défendu auprès du cabinet du garde des Sceaux en janvier dernier.
Le ministère de la Justice semblait avoir pris la mesure des enjeux en nous annonçant un projet de décret et un projet de revalorisation financière.
Interrogé en commission des lois par un député de l’Ardèche – nous remercions l’Udaf pour cette initiative – le nouveau garde des Sceaux, a affirmé que des travaux étaient en cours pour faire des propositions de revalorisation du statut des administrateurs ad hoc.
Quelques jours plus tard, nous avons découvert le projet de décret, dont le contenu est minimaliste, notamment sur la formation et les moyens financiers. Nous continuerons donc de porter ce sujet auprès des pouvoirs publics.
Sur la Mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial :
Nous sommes tous convaincus de son utilité. Pour autant, nous manquons de résultats tangibles pour la démontrer auprès des pouvoirs publics et des partenaires locaux.
C’est pourquoi, en partenariat avec le CNDPF, nous avons décidé de mener une étude d’impact et avons retenu le cabinet FORS pour la réaliser. Le travail doit débuter en janvier pour une restitution des résultats à la fin de l’année 2025.
Sur le Parrainage de proximité :
A la suite de la publication du décret relatif à sa mise en œuvre dans le domaine de la protection de l’enfance, nous avons décidé avec l’Unapp, d’initier un dialogue avec les conseils départementaux. Nous avons coanimé à la mi-octobre une journée nationale du réseau « idéal connaissance » auprès de 200 professionnels, dont une très grande majorité des conseils départementaux. Nous allons poursuivre ces échanges.
Notre guide du parrainage de proximité avait été très apprécié des Udaf et de leurs partenaires. La loi Taquet et le décret nous conduisent à le réécrire. Il devra aussi intégrer la future charte nationale du parrainage à laquelle l’Unaf a été associée. Le texte réglementaire n’attend plus qu’à être signé par la ministre.
Nous allons investir la question du parrainage des ados, et notamment des pupilles de l’Etat et plus largement, le lien entre parrainage et adoption.
Enfin, j’ai le plaisir de vous annoncer que le marché public lancé par l’Etat pour répondre à l’obligation de formation des membres des conseils des familles, a été remporté par l’Unafor avec le soutien de l’Unaf, et en partenariat avec EFA.
Un dernier mot …il est festif ! Vous l’avez compris, il s’agit de la préparation des 80 ans de l’Unaf.
L’année 2025 célèbrera notre création en 1945. Notre assemblée générale aura lieu à Dijon, les 14 et 15 juin 2025. Elle aura pour titre « Les familles sont une force, nous sommes la force des familles ». Elle mobilisera nos grands partenaires. Elle sera l’occasion de valoriser l’engagement des femmes et des hommes de notre réseau, bénévoles et professionnels.